Bonsoir à tous,
Dans son rapport annuel publié mercredi 15 juin, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (
Miviludes) dénonce les dangers des discours apocalyptiques. La Miviludes insiste particulièrement sur les risques "réels accrus" de suicides collectifs en raison du calendrier. En effet, une Apocalypse est annoncée, notamment par la mouvance New Age, pour le 21 décembre 2012, sans la moindre validation scientifique.
La prophétie véhiculée par cette nébuleuse areligieuse en quête d'un "éveil spirituel" est largement amplifiée sur Internet. Elle se base sur une interprétation du calendrier Maya et le passage à l'"ère du Verseau", dénonce le rapport 2010 de la Mission. La peur de cataclysmes astrophysiques entretenue par certaines personnes assurant être en liaison avec des entités extraterrestres leur permet d'asseoir "une emprise physique ou psychologique sur des individus, voire la captation de leurs biens financiers", écrit encore la Miviludes.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Rapport :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]La fin du monde en 2012 : des interprétations volontairement anxiogènes(p.18 du rapport)
L’humanité a de tout temps été fascinée par les récits de fin du monde. La non-réalisation d’apocalypses annoncées n’a jamais découragé les croyances à de nouvelles prédictions de ce type. 2012 ne semble pas échapper à cette règle.
Ce qui paraît caractériser cette « fin du monde-là », c’est le nombre de thèses plus ou moins sérieuses ou vérifiées qui, même sans rapport entre elles, convergent
artificiellement vers une date, le 21 décembre 2012, ou vers l’année 2012, pour prédire la fin du monde ou la fin d’un monde. « Dans les chaos annoncés auparavant, on évoquait une seule catastrophe à la fois ; mais cette fois, on y a tout mis et on arrive à un incroyable gloubi-boulga 2 ! »
Cette première partie sera donc consacrée à une présentation rapide des nombreuses théories mises en avant pour expliquer le « millésime 2012 » de la fin du monde (éléments mystiques, religieux, pseudo-scientifiques, astronomiques, astrologiques ou liés au New Age). De manière générale, on s’apercevra que les prophéties concernant la fin du monde en 2012 sont quasiment toujours fondées sur des interprétations anxiogènes de phénomènes réellement constatés ou observés. S’il n’entre pas dans les compétences de la Miviludes d’apprécier le bien-fondé ou non de ces théories, laissant le soin de le faire à la communauté scientifique, il lui appartient en revanche d’alerter sur l’instrumentalisation qui peut être faite de ces thèses, à des fins d’emprise sur les personnes fragiles ou vulnérables. Il est donc essentiel de démêler le probable du fantasme, le sérieux du folklore, le vrai du faux.
Pourquoi le 21 décembre 2012 ?●● le calendrier maya
Concernant la date du 21 décembre 2012, de nombreuses hypothèses ont été avancées. Celle qui revient le plus souvent concerne les prétendues prédictions provenant de l’eschatologie précolombienne du calendrier mayaet du calendrier aztèque, censées annoncer la « fin du monde » ou la « fin d’un monde ».
La première référence à cette idée de fin du monde tirée du calendrier maya
est en fait assez contemporaine. Elle serait issue d’un ouvrage des années 1970 intitulé Mexico mystique 3 et écrit par Frank Waters, autoproclamé expert de la société maya. Dans les faits, cet écrivain n’avait alors fourni que sa propre interprétation de ce que les Mayas auraient vu dans l’avenir.
Cette théorie a ensuite été largement popularisée par les courants New Age, et notamment par José Argüelles dans son livre
Le facteur maya, paru en 1987.
Selon Jean-François Mayer : «
les prédictions liées à 2012 ont une généalogie, même si leur popularisation est récente. Dès les débuts de la propagation moderne de l’idée d’un Nouvel Âge, des croyances à une transformation du monde – parfois au travers d’événements apocalyptiques – étaient bien présentes. À travers la diffusion du thème de 2012, le Nouvel Âge comme aspiration à une transformation planétaire est remis au goût du jour. La “convergence harmonique” de 1987 organisée par José Argüelles était conçue comme une première étape vers les perspectives futures de l’année 2012 5. »
Ainsi, pour ce courant de pensée, l’année 2012 ne devrait pas signifier la fin du monde mais plutôt une «
transformation mondiale radicale pour accéder à un âge de lumière et de sagesse ».
En 2002, Carlos Barrios, d’origine guatémaltèque et se présentant comme historien, confirmait également, sur la foi de l’étude des calendriers de ses ancêtres mayas, que «
2012 serait une année cruciale pour notre monde 6 ».
À partir de ces interprétations non vérifiées, d’autres théories ont relayé l’annonce d’une fin du monde pour cette date. Par exemple, les « alarmistes » se fondent sur ce calendrier pour établir que le 21 décembre 2012 (voire le 22 décembre 2012 à 00 h 32 pour la France, décalage horaire oblige 7) serait la fin du cinquième soleil (cinquième cycle du soleil) et la fin physique du monde, avec raz-de-marée, ouragans, éruptions, déluges d’eau et de feu… Ce sont ces éléments qui ont en grande partie inspiré le film de Roland Emmerich 2012.
Dans les faits, des études récentes d’archéologues, d’astronomes et de scientifiques reconnus ont démontré que cette date de 2012 ne signifie en rien une fin du monde pour les Mayas 8. Aucune source maya n’annoncerait une quelconque destruction, ni de l’univers, ni de l’humanité à la fin de ce cycle.
«
Dans la manière de penser des Mayas, ce serait seulement une période cyclique qui prendrait fin », rapportent José Huchim et Guillermo Bernal, du Centre d’études mayas de l’Université nationale autonome du Mexique. En outre, ajoutent-ils, «
après ce cycle, le compte temps continue et il existe une autre stèle à Palenque, au Mexique, qui cite une date bien plus lointaine encore dans le futur 9 ».
«
La prédiction de 2012 relevant du calendrier maya ne serait qu’une fantaisie de plus parce que fondée sur une faute de calcul et un calendrier incomplet, celui-ci ne se terminant en réalité que un ou deux siècles plus tard environ (en 2200, soit 208 ans après) 10 ».
Comme conclut J.-F. Mayer, «
le calendrier maya a été en partie revu et corrigé pour les besoins de la cause. Toute l’utilisation qui en est faite provient largement d’un imaginaire occidental s’appuyant sur des références antiques et exotiques. Nous observons ainsi une appropriation de l’héritage maya au service de croyances occidentales modernes, avec des retours ensuite vers les populations d’origine maya. La mondialisation marque tout le monde, même les Mayas. Notons que cette utilisation d’éléments tirés de différentes cultures non occidentales et incorporés sélectivement dans de nouvelles constructions diffusées ensuite dans la culture contemporaine est un phénomène assez fréquent 11 ».
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le symbolisme de la numérologieLe 21.12.2012 semble aussi avoir beaucoup inspiré certains numérologues et autres prédicateurs désirant utiliser à la fois l’identité des mêmes nombres présents dans cette date et la symbolique du nombre 12 ou 21 en inversé : 12 étant égal à 2 × 6, la date du 12.12.12 ou du 21.12.12 par exemple serait en rapport avec 666, présenté comme symbole de l’Antéchrist et du mal.
Cette explication d’une date fatidique annonçant le début de l’Apocalypse n’est pas retenue par les spécialistes scientifiques. En effet, si le symbolisme des nombres avait joué, il en aurait été de même pour une fin des temps qui aurait dû survenir par exemple le 6.06.06.
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le recours à des phénomènes astrophysiquesOnt été également prévues d’autres catastrophes naturelles devant se produire à la date du 21 décembre 2012
pour cause de solstice d’hiver, d’alignement de notre soleil avec le centre de notre galaxie (la Voie lactée), d’inversion des pôles de la Terre et de changement d’axe terrestre.
Il est vrai que, dans les traditions spirituelles, une conjonction cosmique particulière pouvait être le signe d’une ère nouvelle. Dans l’Antiquité, les alignements célestes étaient considérés comme des signes annonciateurs de grands événements.
Cependant, selon les scientifiques, le phénomène évoqué d’inversion des pôles n’est pas près de se produire, car les modifications du champ magnétique terrestre sont lentes et observables largement à l’avance.Ce qui est ainsi évoqué dans le film 2012 de Roland Emmerich (inversion du champ magnétique de la Terre provoquée par une dérive de la croûte terrestre elle-même causée par le réchauffement du noyau de la Terre dû à des éruptions solaires très fortes) ne constitue donc que des hypothèses cinématographiques de pure fiction.
En outre, d’autres explications astronomiques (solstice d’hiver, alignement du soleil et des planètes) ont été officiellement démenties par la Nasa 12.
(...) Le recours à des phénomènes naturels ou climatiques est également largement répandu :
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le cas des éruptions solairesLes éruptions solaires alimentent de nombreuses prédictions et le film 2012 de R. Emmerich en parle comme l’un des multiples facteurs de la fin du monde. Ces phénomènes solaires auraient ainsi des répercussions, par l’intermédiaire des ondes de chaleur, des radiations et des ondes magnétiques
transmises, sur tous nos systèmes de communication et pourraient provoquer la destruction par le feu de notre atmosphère et de notre planète.
À ce jour, les scientifiques ont démontré l’inexactitude de cette analyse. En effet, si l’activité plus intense du soleil existe bien (cycle d’évolution de forte activité solaire tous les 10-12 ans), ces cas d’éruptions solaires se sont déjà produits sans répercussions notables sur la vie quotidienne sur Terre.●●
l’hypothèse d’une amplification des catastrophes naturelles démontrant l’imminence d’une fin apocalyptique prochaineEn ce domaine particulièrement, tous les scientifiques ont tendance à rejoindre l’avis des climatologues qui exposent que les catastrophes naturelles ne sont pas forcément plus dangereuses et plus meurtrières aujourd’hui qu’autrefois, même si elles semblent plus nombreuses.
Ainsi, sur France Info, en janvier 2011, on annonçait que, en 2010, «
il y avait eu 954 catastrophes naturelles à travers la planète, soit 50 % de plus que la moyenne annuelle sur les années précédentes. Ces catastrophes dues en partie au dérèglement climatique auraient ainsi causé la mort de 295 000 personnes en 2010 ».
Pour relativiser le caractère présenté comme exceptionnel de ce nombre, il peut être utile de rappeler les grandes catastrophes du siècle passé ou même plus récentes, qui n’ont pas alimenté un discours de fin du monde au moment où elles se sont produites :
– 1920, séisme en Chine : 180 000 morts
– 1976, séisme en Chine : 242 000 morts
– 1985, éruption en Colombie : 24 000 morts
– 1991, cyclone en Inde : 138 000 morts
– 2003, vague de chaleur en Europe : 50 000 morts
– 2004, tsunami en Asie : 226 400 morts
– 2008, cyclone en Birmanie : 138 000 morts et disparus
– 2010, tremblement de terre en Haïti, 250 à 325 000 morts selon les sources
Certaines catastrophes naturelles sont utilisées à des fins de prosélytisme : ainsi, pour de nombreux groupes apocalyptiques et églises évangéliques aux États-Unis, le séisme et le tsunami au Japon en mars 2011 confirment l’approche du jour du jugement dernier, fixé même par certains au 21 mai 2011 !
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l’hypothèse des trous noirsL’absorption de notre planète par un « mini-trou noir » a aussi été prédite dès 2008. La même année, en août, il a été fait allusion sur le Net à la galaxie M87, située à plus de 50 millions d’années-lumière de la Terre et qui contiendrait un trou noir gigantesque cette fois.
Reprise en janvier 2011 sur plusieurs sites Internet, cette information prenait une nouvelle dimension, à savoir l’existence d’«
un trou noir, assemblage de plusieurs trous noirs, faisant en fait 6,8 milliards de soleils, soit une masse tellement importante qu’elle impliquerait un champ gravitationnel énorme auquel rien ne pourrait échapper, lumière et planètes comprises… ».
Là encore, les scientifiques n’ont pas confirmé ces hypothèses.
Les mouvements dans la galaxie sont aujourd’hui très étudiés et connus à l’avance : aucun événement de ce type n’est annoncé à l’horizon 2012.
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la survenance d’une collision terrestre avec un astéroïde, connu ou inconnuCette hypothèse est avancée par Zecharia Sitchin, auteur de théories pseudo-scientifiques controversées 15, qui évoque l’existence d’une planète X, ou Nibiru, située hors du plan écliptique et, donc, en dehors du système solaire, découverte par les Sumériens 16 et à laquelle il fait référence dans son livre La
douzième planète 17.
Les Sumériens auraient ainsi été instruits par les « Annunakis », divinités extraterrestres à l’origine de la création de l’espèce humaine et descendues sur Terre 18.
Des études ont toutefois démontré que la civilisation sumérienne a laissé très peu de documents traitant d’astronomie et qu’a priori elle ne connaissait pas l’existence des planètes comme Uranus, Neptune et Pluton. Les Sumériens n’avaient pas non plus compris que les planètes tournaient autour du Soleil, cette idée s’étant plutôt développée en Grèce deux mille ans plus tard.
D’autres auteurs ont tenté de reprendre à leur compte l’existence de cette planète, comme Marshall Masters ou Nancy Lieder, à la tête du groupe
Zetatalk 19, qui prétend recevoir «
des messages d’extraterrestres la mettant en garde contre les dangers de cette planète pouvant frôler ou entrer en collision avec la Terre ». La catastrophe était initialement prévue pour mai 2003, mais comme rien n’arriva… la collision fut reportée en 2012.
Ce n’est que récemment que cette théorie a été liée à celle de la fin du calendrier maya et au solstice d’hiver de 2012 pour augmenter artificiellement le nombre de causes d’un véritable cataclysme à cette date.
Là aussi, les scientifiques de la Nasa ont répondu à ces inquiétudes, qui tiennent de la fiction, en réfutant un par un les arguments présentés par ceux qui soutenaient l’existence de cette planète 20.
D’autres fins du monde après 2012 ?
L’annonce d’une apocalypse à venir en 2012 est aujourd’hui elle-même largement contestée. Certains parlent d’un cycle de prédictions pour… 2036, 2072 ou 2076.
Par exemple, des thèses pseudo-scientifiques évoquent une fin du monde pour 2036 après la découverte, en 2004, d’un astéroïde de 270 m de diamètre pour une masse de 27 millions de tonnes, appelée Apophis. Selon ces thèses, également non validées, celui-ci devrait frôler la Terre à 30 000 km de distance en 2029 et une collision avec notre planète devrait se produire le 13 avril 2036 !
Quelle conclusion en tirer ? Quelles conséquences réelles pour les personnes ?«
Les nombreux scénarios pour 2012, presque sans exception, apparaissent à ce jour comme non réalistes pour les scientifiques 22. »
Ils ne reposent en effet le plus souvent que sur des événements spéculatifs, sans réalité pour l’avenir et sans éléments de preuve scientifiquement prouvés.
Mais l’essentiel est-il là ? Quelle que soit la force des arguments scientifiques avancés pour réfuter ces hypothèses de fin du monde, le problème est ailleurs.
Ces multiples scénarios peuvent en effet donner corps à des croyances mystiques ou religieuses qui vont ainsi trouver le fondement nécessaire pour asseoir leurs thèses apocalyptiques.
En alimentant un climat anxiogène par la référence à des éléments pseudo-scientifiques, même non vérifiés, ces croyances instrumentalisent en réalité les peurs collectives pour mieux exercer une véritable emprise sur les personnes, pouvant conduire, dans les cas extrêmes, à un risque vital pour les membres du groupe, ou à une remise en cause de la société par des actions plus ou moins violentes contre le groupe social.
Ce risque est d’autant plus grand qu’avec cette multitude de prophéties de fin du monde on se trouve aujourd’hui dans une situation de banalisation des messages apocalyptiques.